Basquiat, maître de la révolte

23 septembre 2022 - Charles Prémont

Dans les années 1980, un nom est sur toutes les lèvres des collectionneurs de New York : Jean-Michel Basquiat. Enfant terrible des arts visuels, l’américain dénonce les injustices raciales par des oeuvres puissantes.

Basquiat en DJ pour la soirée d’anniversaire d’Eric Goode à la boîte de nuit Area, 1984. (Crédit : Ben Buchanan)

En 1980, New York est un important creuset artistique. La ville possède une scène musicale vibrante, entremêlant le rap, le jazz et le punk. Andy Warhol, vedette incontestée du pop art, y travaille depuis les années 1960. Capitale mondiale du graffiti, la Grosse Pomme est un lieu incontournable pour les arts visuels.

En parallèle, la croissance des inégalités et la hausse de la criminalité dans certains quartiers font baisser les loyers. Pour les artistes sans le sou, c’est une aubaine ! Jean-Michel Basquiat a su tirer profit de cette ville en ébullition.

« Je ne suis pas une vraie personne. Je suis une légende. » – Jean-Michel Basquiat

Bâtir une légende

Né d’un père d’origine haïtienne et d’une mère portoricaine, Jean-Michel Basquiat n’a aucune formation artistique officielle, mais un talent naturel pour le dessin.
À l’âge de sept ans, il est happé par une voiture et subit d’importantes lésions. Pour le divertir durant sa convalescence à l’hôpital, sa mère lui achète un livre sur l’anatomie. En plus de lui faire comprendre ses blessures, l’ouvrage illustré Gray’s Anatomy l’encourage à développer son art.

Le jeune Basquiat passe des heures à recopier des os, des crânes, des articulations et des muscles. On retrouvera plus tard beaucoup de références anatomiques dans ses oeuvres. Coïncidence ? Probablement pas !

À l’aube des années 1980, il fonde le groupe de musique Gray et fait des graffitis sur les façades de Manhattan. Sous le pseudonyme SAMO, qu’il partage avec son collègue Al Diaz, il écrit des textes cryptiques dans les quartiers de Soho et du Lower East Side. De plus en plus connu et reconnu dans le milieu des arts, il démarre son projet solo. En 1981, Basquiat a 21 ans et sa carrière décolle en un rien de temps. Il accumule son premier million aussi vite qu’en criant « pinceau » !

« Je ne pense pas à l’art quand je travaille. Je pense à la vie. » – Jean-Michel Basquiat

Improvisations inspirées

Au premier regard, les toiles de Jean-Michel Basquiat surprennent : les traits semblent grossiers, les couleurs, jetées. Pourtant, il y a bien quelque chose qui s’y passe : une force brute traverse la toile et les couches de peinture.

Très cultivé, Basquiat s’inspire de tout. « Il lisait énormément. Il avait une mémoire encyclopédique et poétique, indique
Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal. On dit qu’il n’y avait jamais un moment sans musique à son studio. Il possédait plus de 3 000 disques ! »

Basquiat absorbe tous ces éléments visuels et sonores pour les intégrer à ses toiles. Avant-gardiste, il se sert de textes et de multiples couches de couleur pour transmettre son message. « Quand on regarde de près, on voit toutes les références musicales, populaires et anatomiques, poursuit Mary-Dailey Desmarais. C’est ce mélange entre la musique, la science et la littérature qui le rend important. Il y a un vrai dialogue entre ses toiles. »

S’armer de pinceaux

Toute sa vie, Jean-Michel Basquiat a combattu le racisme à travers son art. Il en était d’ailleurs victime dans le milieu très blanc et huppé de l’art contemporain. Malgré son succès éclatant, certains endroits lui étaient interdits. Il se déplaçait presque toujours en vélo, car les chauffeurs de taxi l’ignoraient. La création lui a permis d’exprimer sa colère contre l’oppression et la discrimination des Noir·e·s dans la société américaine.

Dans ses oeuvres, il utilise entre autres le symbole de la couronne pour honorer des figures héroïques noires, comme le boxeur Muhammad Ali ou le musicien Louis Armstrong. Ce symbolisme lui permet de dénoncer la discrimination raciale présente à son époque.

Jean-Michel Basquiat (1960-1988), King Zulu, 1986. Barcelone, collection MACBA, prêt à long terme du gouvernement de la Catalogne (ancienne collection Salvatore Riera). (Crédit : © Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar, New York)

Finale abrupte

Andy Warhol, l’idole et grand ami de Jean-Michel Basquiat, meurt subitement en 1987. Son décès bouleverse le milieu des arts, et affecte profondément son camarade. Dans les mois qui suivent, Jean-Michel Basquiat s’isole et sa consommation de drogue augmente. En 1988, il meurt d’une surdose d’héroïne.

Plusieurs parlent de l’artiste comme étant une comète, une étoile filante. Son passage dans le milieu des arts fut effectivement bref, l’instant d’une décennie. Il aura malgré
tout laissé un riche héritage de plus de 800 tableaux et 1 500 dessins.

Grâce à son talent et à sa fougue, il est devenu une figure marquante de l’histoire de l’art, mais également un porte-parole emblématique pour les droits de la population noire dans les années 1980.

« Je ne suis pas un artiste noir. Je suis un artiste. » – Jean-Michel Basquiat

À NE PAS MANQUER !

À plein volume : Basquiat et la musique, présentée au Musée des beaux-arts de Montréal jusqu’au 19 février 2023. Une exposition sur la carrière artistique et musicale de Jean-Michel Basquiat.

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